✥ HOW I MET ME

Puisqu'on est jeune et con, puisqu'ils sont vieux et fous. Puisque des hommes crèvent sous les ponts et ce monde s'en fout. Puisqu'on est que des pions contents d'être à genoux. Puisque je sais qu'un jour nous gagnerons à devenir fous

« Earvin ! »
Le gamin ne réagit pas, le regard rivé sur l’horizon, les pieds profondément enfoncés dans l’eau de la mer du Nord. Pour un gamin de six ans, il semblait bien nostalgique, comme plongé dans ses pensées, dans son propre monde, trop abstrait pour les autres, encore plus pour les adultes qui l’entouraient et qui n’avaient de cesse de le précipiter dans une réalité qui ne lui convenait pas. « Earvin ! » Voilà qu’elle se répétait… et qu’il s’évertuait à ne pas répondre, son visage sale levé vers les ruines du château de Saint Andrews… celui qui trônait, tout là haut, majestueux bien qu’à moitié démoli. Il réprima un frisson devant l’immensité de la chose, tandis que ses pieds étaient peu à peu anesthésiés par le froid qui gagnait l’eau alors que le soleil disparaissait peu à peu vers l’horizon, ses rayons perdant de leur chaleur. Les poings serrés sur les pans relevés de son pantalon, le petit garçon n’avait pas bougé d’un pouce, ses yeux scrutant les vestiges du château, comme dans l’espoir d’y déceler quelque chose, quoique ce soit, n’importe quoi. Une ombre furtive passa rapidement devant ses yeux, peut-être pour contenter son attente… mais il n’en fut en rien contenté, puisque le gamin qu’il était eut un sursaut, avant de se retourner vivement et…
« Tu pourrais répondre quand j’te parle ! Tu t’es assez baigné, il va faire nuit et qu’est ce que j’fais si Annis la noire vient te prendre, hm ?! » A croire que sa mère ne s’était pas encore non plus déconnectée du monde des cauchemars, des enfants. Pour lui qui n’avait que six ans, c’était encore à peu près acceptable, mais de sa part à elle… Il releva les yeux vers la chevelure de feu de sa mère, l’observant un instant avant de froncer les sourcils. Non… Jamais il ne se ferait prendre par une ogresse avec un seul œil qui vit dans un chêne… et puis si c’était le cas, son père viendrait certainement le sauver. « Papa rentre bientôt. J’aimerais que tout soit en place, s’il te plaît. » Voilà la vraie raison de leur subit départ. Il fallait toujours que tout soit en place pour l’arrivée de l’homme de la famille ! Il rentrait si peu souvent ces derniers temps. L’armée et ses belles promesses faites au peuple, l’armée et ses belles familles déchirées par la distance. Sur ses six ans de vie jusque là, le petit garçon avait du passer quelque chose comme une année et trois mois avec son paternel, quand on alignait les quelques jours par-ci et les quelques heures par-là. Ce n’était pas les lettres qui manquaient, mais c’est bien connu – sauf par les adultes – les lettres étaient loin de compenser la présence d’un père pour un enfant aussi jeune. Elle avait empoigné son bras, visiblement furieuse de ne pas réussir à asseoir son autorité sur son fils, et il n’avait même pas pris la peine de moufeter, ou même de faire un caprice. Ca ne servirait à rien, hormis à la fâcher encore plus… et se prendre une bonne raclée ce soir de la part de papa quand elle raconterait sa mésaventure. Il accéléra le pas jusqu’à se retrouver à trottiner derrière sa mère qui, au moins, laissait passer toute sa colère dans ses pieds. Mieux valait qu’il n’attire pas le regard, alors que dans la surprise de tomber sur sa mère en se retournant quelques secondes plus tôt, il en avait été à lâcher le bas de son pantalon dans l’eau, si bien qu’il se retrouvait avec le vêtement trempé jusqu’aux genoux.

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« Ca te suffit pas de me laisser toute seule avec Earvin maintenant tu veux… » Elle se tut instantanément lorsque le petit garçon entra dans son champ de vision. Il ne comprenait pas vraiment la discussion qui se livrait entre ses parents. Relativement houleuse. Quelques heures étaient passées depuis le fameux incident près de la mer et pourtant, ils ne semblaient pas parler de ça, alors pourquoi est-ce qu’il avait l’impression de se sentir on ne peut plus menacé par le dialogue qui se jouait entre ceux qui l’avaient éduqué pendant toutes ces années ? Pour quelques secondes, l’enfant quitta sa mère des yeux pour poser son regard sur son père, qui ne semblait pas aimer avoir été interrompu de la sorte par une arrivée impromptue : l’arrivée de son fils c’était toujours mieux que celle du voisin, non ? Alors que ledit Earvin revenait poser les yeux vers sa mère, elle força un sourire et histoire de faire taire le malaise qui semblait croître chez le petit garçon, elle tendit les bras vers lui. « Viens là mon chéri… » Il n’hésita pas bien longtemps avant d’accéder à la demande de sa mère… c’était simple, ils n’étaient que tous les deux la plupart du temps, tandis que Cailean, lui, passait sa vie à l’autre bout du monde à faire des choses dont il ne parlait pas à la maison, trop occupé à vouloir asseoir son régime au sein de sa propre famille. Se blottissant contre sa mère, il alla loger son visage contre le cou de celle-ci, comme s’il sentait quelque part, dans un coin de son esprit que les choses commençaient à s’enchaîner un peu trop vite pour lui, si bien que la seule chose qu’il pouvait encore faire, c’était profiter de ces dernières étreintes avec sa mère… comme si quelque part, au fond de lui, il commençait à sentir que d’ici peu, il allait cruellement en manquer. Heureusement qu’il était blotti de cette façon d’ailleurs, puisqu’il ne vit au moins pas le regard noir qu’échangèrent ses parents, l’espace de quelques secondes dans le silence… jusqu’à ce que ce soit Cailean qui lâche l’affaire pour ce soir. Elle avait gagné une bataille, mais certainement pas la guerre. Après tout, ils étaient tous les deux concernés par l’éducation de leur fils et elle ne pouvait pas le blâmer de vouloir le meilleur pour lui.
« On en reparlera. A toi de voir si t’es trop égoïste pour laisser tes envies passer avant l’avenir de ton fils. Et Dundee n’est qu’à une vingtaine de kilomètres. Et j’ai bien regardé, les encadrants savent ce qu’ils font. » Inconsciemment aux paroles de son père, Earvin resserra son étreinte autour du cou de sa mère, crispant son corps contre elle comme pour lui faire comprendre qu’à dix, vingt ou cent kilomètres, il ne voulait pas quitter ce qui était chez lui, ou même le seul parent qui semblait concrètement tenir à lui. Il ne voulait pas non plus la laisser toute seule ici. Réaction instantanée de la mère attachée à son fils à tel point qu’elle sentait les moindres soubresauts de son gamin contre elle. « ARRETE UN PEU ! Pas maintenant. » Un nouveau regard vers son mari, appuyé par les yeux de Earvin qui venaient le fixer aussi, puis elle partit vers la chambre de son fils, il était plus que temps d’aller dormir… s’il le pouvait encore.

A la gloire des nations, des drapeaux des frontières, de la mère Patrie, à la gloire du sang. Et à la gloire de ce gamin, qui a le sourire aux lèvres, mais c'est ça l'avenir.

« Tu as bien tout ce qu’il te faut ? » Il hocha vaguement la tête, avant de s’écarter vite fait alors qu’elle s’approchait pour déposer un baiser sur sa joue. Il la détestait… Voilà qu’elle venait d’abandonner, de lâcher l’affaire. Elle avait tenu cinq ans, cette pauvre femme, gagnant quelques cheveux gris malgré son jeune âge. Mais voilà que son mari avait gagné le combat finalement, fier sans aucun doute… à moins qu’il ne soit même pas au courant que son fils s’apprêtait à quitter la maison familiale pour aller s’enfermer dans un internat à quelques dizaines de kilomètres de là. Elle ne dit rien, comprenant et partageant sans doute la peine de son fils… elle lui écrirait une lettre, persuadée qu’il ne le ferait pas, trop fâché pour pouvoir enterrer sa rancœur pour établir le contact.
Le train à destination de Dundee, départ dans trois minutes quai 2. Départ dans trois minutes quai 2. Une crispation qui saisit entre eux deux, glaciale mais le gamin n’eut pas besoin de recevoir l’ordre de sa mère pour se détourner d’elle et monter dans le train. Bousculant un type au passage sans même lui prêter plus d’attention qu’un vague « pardon » accompagné d’aucun sourire ou regard un tant soit peu gêné, il trouva sa place dans le compartiment numéroté comme sur son ticket. C’est avec nonchalance qu’il s’assit, s’évertuant à ne pas relever les yeux alors qu’il sentait la présence de sa mère de l’autre côté de la vitre. Elle n’avait même pas pu lui garantir un retour pour les prochaines vacances, tandis que pour les week end, c’était déjà clair : ils n’avaient franchement pas assez d’argent pour qu’il fasse le trajet aussi souvent. Encore un truc de son père, alors que les offres de train ne manquaient pas, même dans une parcelle de voie ferrée entre Dundee et Cill Rimhinn ! Seul, il soupira longuement, persuadé qu’il allait bien s’emmerder à Dundee et ce n’est que lorsque le coup de sifflet retentit sur le quai, que le train commença lentement à se mettre en marche que le jeune homme qu’était devenu Earvin daigna lever les yeux vers sa mère, lui adressant un bref signe de la main, avant de rapidement la laisser seule sur le quai.

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« Bon anniversaire, Earvin ! » Il releva les yeux pour voir Iona, une jeune fille de l’internat, accompagnée de quelques autres de ses amies qui ricanaient… il aurait presque pu croire qu’elle avait dit ça pour se moquer de lui, s’il n’était pas flagrant qu’il lui avait tapé dans l’œil (quel tombeur à treize ans c’est malsain quand même !). Il lui adressa un rapide sourire pour la forme avant de river à nouveau son regard sur le bâtiment de l’autre côté de la rue. L’école privée de Dundee, il se détachait totalement du décor, lui qui était fringué comme un cas soc’ et qui n’avait pas revu sa mère depuis quatre mois déjà. Qu’importe, il s’y était fait en un an…
« On f’rait mieux de rentrer, on va être en retard. » Une suggestion qui n’était pas si bête que ça, mais à laquelle Earvin ne se donna pas la peine de répondre. Il ne voulait pas rentrer, pas encore et qu’importe les représailles qu’il pourrait avoir. Il avait envie de La voir. Le prix, il le récolterait quand il le récolterait, ça en vaudrait forcément le coup… Rentrer après le couvre feu, c’est pas comme s’ils ne l’avaient jamais fait hein. Et puis en ce deux mai, il avait de quoi fêter, c’était ses treize ans, alors autant le fêter avec une personne qui le faisait franchement sourire. Tallulah, il n’avait appris son nom que très récemment étrangement, ils n’avaient que peu parler, la première fois que leurs regards s’étaient croisés, il avait manqué de trébucher contre le fameux banc où il était assez aujourd’hui, c’est dire comme il avait mis du temps avant de trouver le courage d’aller lui parler. « Earvin. » Il réprima un soupir, levant le regard par-dessus son épaule pour regarder le garçon qui l’accompagnait. Alors pour aller au cinéma et rentrer discrètement, il n’avait aucun problème à ne pas respecter le couvre feu mais quand il n’avait rien à tirer de la situation, là ça le dérangeait, monsieur ! « Fais c’que tu veux ! J’bouge pas… si tu rentres, arrange-toi pour me garder quelque chose à manger de côté. » Eh oui, histoire de bien garder les gosses dans le rang, les heures de repas étaient bien fixes et impossible de manger avant ou après les dites heures… et ce soir, à moins qu’il soit doué du don de téléportation, il allait sans doute louper le dîner et passer la nuit, le ventre vide. Etrangement, ce n’était pas la pire chose qu’il pouvait subir pour ne pas avoir respecté les heures de rentrée… Il voyait déjà l’autre timbrée l’attraper par l’oreille pour le traîner à l’intérieure, le coller à une table et lui faire copier le règlement de l’internat jusqu’à ce qu’il ne sente plus son poignet ! Qu’importe. Il n’allait pas se dégonfler. Son copain, lui en tout cas, il était parti… tant pis, voilà que la sonnerie de la fameuse école sonnait, il se releva instantanément, se pressant à se donner un aspect pour le moins présentable, alors qu’il avait la mauvaise idée de sortir d’un cour de sport : charmant, hein ! Plusieurs élèves, une bonne dizaine de filles et la voilà, se détachant complètement du lot. Il eut un léger sourire, alors qu’elle ne l’avait pas encore vu. Elle était plus jeune que lui, de quelques années, mais il s’en foutait complètement… il l’aimait bien, elle était jolie.

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« Merci de m’avoir ramenée. » Un sourire béat comme réponse, alors qu’il n’avait plus de mot à répondre. C’était leur petit rituel du jeudi soir (oui, qu’une fois par semaine sinon, pauvres poignets de Earvin !) depuis de nombreux mois déjà, si bien qu’ils avaient tous les deux vieilli encore un peu. Il était à l’orée de ses quinze ans, elle presque à ses quatorze ans. Et pourtant, elle le remerciait encore à chaque fois… qu’est ce qu’il pouvait bien dire contre ça ? Hm ? Ils étaient devant chez elle, alors que le soleil n’était pas encore couché, qu’il ne faisait même pas froid… Bientôt ce serait les vacances d’été, et ils ne se verraient plus avant deux mois. Il ne voulait pas y penser… Finalement la maison ne lui manquait pas tant que ça et l’internat c’était pas si mal… surtout le jeudi soir, et le vendredi, et le week-end puis tous les autres jours, à chaque fois qu’il pensait à Elle. Tallulah. A ce moment précis, ils se regardaient sans rien dire, lui les mains profondément enfoncées dans ses poches, elle visiblement plus mal à l’aise encore. A croire qu’aucun des deux n’avait envie de briser ce petit instant pour retourner à sa vie. Pourtant, sans aucun doute que la vie de la jeune fille avait plus à envier que celle de Earvin. Il allait retourner dans sa chambre à l’internat, pour faire ses devoirs… et voilà, elle, elle avait sans aucun doute mieux à faire. Voir sa famille tout simplement. Ils n’avaient jamais trop parlé de leurs vies de famille respectives, il n’avait pas été à lui demander des détails sur sa vie, tout comme elle n’avait jamais demandé pourquoi il se retrouvait dans un internat et pas chez lui. D’ailleurs, il n’avait même pas de réponse à cette question : c’était une décision tout simplement arbitraire de son paternel qui l’avait amené là… et voilà. A partir du moment où il ne s’immisçait pas dans sa vie pour décider de son avenir, il n’allait pas se faire remarquer… Six heures. L’Eglise plus loin sonnait six heures du soir. Il détacha son regard de la Tallulah pour avoir un regard vers la rue dans laquelle il devait s’engager pour rentrer… et voilà qu’elle était subitement déconnectée de la situation. « Tu ferais mieux d’y aller. » Elle savait ce qu’il encourait pour la raccompagner et de nombreuses fois déjà, elle avait essayé de l’en dissuader, avant de comprendre qu’il le ferait quand même, qu’elle le veuille ou non. C’était un rituel désormais trop ancré dans son quotidien pour qu’il aille contre cette envie. Le jeudi. Le jour qu’il attendait le plus dans la semaine. Et voilà que ce jeudi là, cet énième jeudi s’achevait. Pinçant les lèvres, il hocha la tête avant de baisser le regard vers ses chaussures. Ils avaient sans doute l’air de parfaits crétins et c’est apparemment ce que Tallulah pensa également puisqu’elle commença à s’éloigner. Un pas. Deux pas. Avant de revenir pour déposer un doux baiser sur le coin de sa joue. Instantanément, comme frappé par la foudre, il leva les yeux vers elle, pour voir une légère lueur rieuse dans son regard, alors qu’elle partait vers chez elle.

Mon amour j'ai pas su tenir, les promesses du devenir un avec toi. J'ai plus que moi-même à qui dire qu'il est triste mon triste empire, qu'il est triste sans toi. Quel océan vers quel abîme dis-moi où mène ce chemin où tu n'es pas ? Car si l'on ne meurt pas d'amour, je peux te dire qu'il est certain qu'on meurt de toi.

Un soupir, pour interrompre le bruit incessant du crépitement de l’eau. Il sentait les gouttes glisser sur sa peau à toute vitesse pour aller s’écraser sur le sol dans ce bruit si significatif. Les secondes passaient lentement, comme des minutes alors qu’il était fatigué. Les jours loin de Dundee avaient le don de passer lentement, très lentement. Déjà plus jeune, les vacances d’été, lui qui avait cru ne jamais pouvoir les détester, il les avait senties passer, lentement. Ils avaient échangé quelques lettres, elle des cartes postales d’endroits où il n’irait certainement jamais, lui des lettres qu’elle ne pourrait lire qu’à son retour. Il avait tellement de choses à lui dire, tellement envie de la revoir à chaque fois. Maintenant, c’était toute autre chose. Les lettres partaient de son côté, tout comme les appels, les mails, tout ce qui était possible d’envoyer… mais aucune réponse ne venait jusqu’à lui. Il n’y avait plus rien, si ce n’est un épais voile d’incompréhension qui le hantait constamment, dans chaque rue de Londres. Oui, il était à Londres désormais, dans la caserne de la ville… Petit, minable officier dans la même section que son propre père… Celui-là même qui s’évertuait à lui en faire voir de toutes les couleurs, à lui plus qu’aux autres. Finalement, Cailean avait réussi à s’immiscer dans la vie de son fils plus que celui-ci l’aurait voulu. Le corps perclus de nouvelles douleurs après avoir aligné abdos, pompes et autres exercices auxquels il n’était pas encore totalement habitué, il réprima un grognement en sentant l’eau chaude détendre peu à peu ses muscles. La douche, l’un des seuls moments de répit qu’il pouvait avoir, un moment pendant lequel il ne se retrouvait pas si seul que ça… Mais l’internat avait eu ça de positif de lui apprendre à savoir se détacher du boucan alentours pour se retrouver seul avec ses propres pensées. Un soupir. Il fallait qu’il l’oublie. Après tout, elle l’avait visiblement oublié aussi. Le prie étant qu’il ne savait même pas s’il était capable de faire une telle chose… elle lui manquait, plus qu’il ne l’aurait imaginé quand il lui avait annoncé qu’il partait pour un service militaire plus ou moins long. Loin. Loin de Dundee. Loin d’eux deux, de ce qu’ils étaient enfin devenus… après toutes ces années à se chercher, sans réellement oser se trouver. Penchant la tête en arrière, il laissa l’eau venir se répandre sur ses cheveux, avant de passer ses mains sur ceux-ci dans un long soupir, laissant son corps se crisper un instant… Il allait bien trouver un moyen de l’oublier.

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Une douleur. Cette douleur… dévorante, il avait envie de hurler et pourtant, il n’en avait même pas la force… cette saloperie de douleur lui coupait carrément le souffle. La main serrée contre sa plaie, il réprima un grognement, encore une fois, ça lui faisait bien trop mal pour qu’il tente quoique ce soit. Il devait bouger, il ne pouvait pas rester là, au milieu des tirs croisés, rapidement il allait se prendre une balle en pleine tête sinon. Se retournant pour passer sur le ventre, il se mordit la lèvre au point de la faire saigner tandis qu’il ravalait le hurlement de douleur qui lui brûlait la gorge. Sa main chercha à tâtons quelque chose, n’importe quoi sur lequel il pourrait se reposer pour se repérer, alors qu’il avait l’impression de peu à peu s’enfoncer dans le sol, de perdre ses forces tandis que tout ce qu’il sentait, c’était ce liquide bouillant et visqueux qui coulait entre ses doigts. Son sang… et voilà que ce sang venait à lui piquer les yeux, saleté qu’il essuya d’un revers de manche, persuadé d’avoir une plaie également à la tête. Ce n’est que plus tard qu’il avait finalement compris que ce n’était pas son sang qu’il avait eu sur son visage à cet instant précis, trop sonné pour s’en rendre compte. Les balles fusaient à ses oreilles, si bien que rapidement, ses tympans devinrent incapables d’intercepter le moindre son, juste des sifflements qui diminuaient peu à peu, tandis qu’il se sentait plonger, happé par la noirceur qui l’entourait. La scène qui avait petit à petit ralenti, pour devenir presque immobile et disparaître dans l’obscurité. Bizarre… il avait cru qu’il faisait jour pourtant. Et puis le silence. Silence soudain, pesant, presque douloureux pour ses oreilles qui continuaient de bourdonner avec force. Putain, il avait l’impression que sa tête allait littéralement exploser, être réduite en morceaux par tout ce qui déchirait son corps à cet instant précis, réduisant sa résistance à presque rien. Des bras qui vinrent l’empoigner, ses bras, son corps tout entier qui était faibles… il les laissait nonchalamment tomber, laissant aux autres tout le soin de s’occuper de lui… pour une fois. Et puis voilà qu’il sentait ses paupières gravement s’alourdir, son souffle ralentir, son cœur manquer un battement et puis… la mort approcher. Son visage à elle sur l’écran de ses paupières, impression douloureuse qu’elle laissait encore aujourd’hui, des années après. Vingt-trois ans, il avait désormais vingt-trois ans, dix ans qu’il la connaissait : anniversaire morbide dans lequel il se mourait peu à peu. Il avait finalement abandonné toute tentative d’établir à nouveau le contact avec elle, laissant son entêtement crever à petit feu alors que sa fierté se prenait un coup à chaque distribution de courrier dans lequel il n’y avait aucune de ses lettres à elle. Il y a un mois de cela, il avait reçu un papier de son père, signé et timbré de l’armée de Londres qui lui disait que sa mère était morte, succombée à un accident de voiture. Ce n’était même pas ce qu’il l’avait touché le plus… c’était ce vide qui suivit, cette solitude. L’impression d’être abandonné par toutes les personnes qui pouvaient lui être chères. L’impression qu’aucun secours ne pourrait compenser celui de Tallulah dont il avait on ne peut plus besoin à cet instant là.

A la table des rois on a jeté les dés, les peuples sous la croix et les femmes au combat. Demain nous verrons bien toujours pire je suppose, au plus bas du tréfonds de la nature humaine. Naufragés dans la nuit direction la sortie, nous tentons l'évasion comme on peut. Dire qu'on avait des rêves... rappelle-toi.

Tallulah,

Tu ne recevras probablement jamais cette lettre. Comme toutes les autres. Et pour celle-ci au moins, j’espère que tu ne la recevras pas. Ca signifierait peut-être que tu n’es plus à Dundee, et c’est pas plus mal. Je pourrais avoir plein de choses à te dire, mais je sais pas vraiment si mes aventures peuvent t’intéresser plus que ça, alors que je reste sans réponse depuis pas mal de temps déjà. Aucun moyen d’appeler vers la ville, alors j’espère que cette lettre pourra passer les contrôles. Quoiqu’il en soit. Je voulais juste te dire que je revenais à Dundee… après avoir hésité pendant bientôt quatre ans rien qu’à l’idée que je puisse t’y trouver… Avec quelqu’un d’autre, ayant reconstruit ta vie. Voilà que c’est le boulot qui me force à y retourner. Au cas où tu n’aies pas à lire cette lettre, prends soin de toi, pour la vie qu’il peut te rester.

Làyne.

Il avait toujours détesté son prénom et elle avait été la seule à le savoir, si bien qu’elle était la seule personne à l’appeler Làyne dans les gens qu’il connaissait. Un soupir, alors qu’il finissait de plier la lettre. Et puis il eut un léger froncement des sourcils, hésitant. A quoi ça pouvait bien servir qu’il l’envoie ?! Elle allait sans doute jamais la recevoir. Qu’importe. Revenir à Dundee était déjà un grand pas qu’il faisait, pour lui et pour oublier ce qu’ils avaient pu être. La balle qu’il s’était prise en plein abdomen avait finalement été un genre d’électrochoc, après qu’il ait passé plusieurs années dans un hôpital psychiatrique et à ressasser, encore et encore. Il avait décidé de reprendre du service, rien que pour au moins occuper le poste auquel il avait été promus pour avoir été blessé sous les couleurs du drapeau britannique : voilà qu’il était Général de Brigade. Il était relativement jeune pour avoir un tel cadre mais bien peu lui importait… Certains le considéraient comme un héros, là où lui aurait sans doute préféré rester quelques grades plus bas sans cette blessure pour lui rappeler l’Enfer qu’il avait pu connaître là-bas. Il aurait pu devenir réserviste et oublier la guerre… mais voilà, maintenant, la guerre semblait venir happer sa vie, le seul endroit où il s’était senti chez lui autre part que contre sa propre mère… Dundee. Et il ne voulait pas détourner le regard et faire mine de rien… il fallait qu’il prenne ce courage pour retourner dans cette ville pleine de souvenirs.

Un salut militaire solennel et il s’écarta, pinçant les lèvres pour effacer le poids de la nouvelle des traits de son visage. Il pleuvait ce jour là, il était à Dundee depuis quelques jours à peine et voilà que les funestes nouvelles commençaient à tomber. Il ne savait même pas que son père se trouvait là, dans cette si petite ville d’Ecosse, alors qu’il aurait sans doute eu mieux à faire. Mais voilà qu’il venait de découvrir la présence de celui-ci, tandis qu’on lui annonçait que sa brigade et lui avaient été pris dans une embuscade pour finir bouffés par les infectés… Il n’avait pas su quoi dire, il s’était contenté de remercier le messager, à mi-voix et voilà maintenant qu’il revenait vers le lieutenant sous ses ordres, celui qui préparait leur départ pour un autre coin de la ville depuis de longues minutes déjà. Celui-ci eut d’ailleurs un instant de flottement en voyant son supérieur revenir la tête basse et accélérant visiblement le mouvement. « Monsieur ? » Il ne releva pas les yeux vers le jeune qui venait de l’interrompre.
« Continuez Lieutenant… »
« Mais… »
« J’ai dit, continuez… » Pas besoin d’hausser le ton de sa voix, voilà que le jeune lieutenant avait compris le message et repartait dans son boulot. Enfin seul, il laissa un nouveau soupir venir franchir la barrière de ses lèvres, avant de serrer celles-ci tandis que ses mâchoires se crispaient avec force. Dundee avait bien perdu de son charme d’antan…

✥ WHAT A MADNESS WORLD

Pour avoir connu la ville de Dundee avant le chaos qui la détruit à petit feu aujourd'hui, on peut bien dire que Earvin a du mal à se faire au changement. Certes, il n'y est pas revenu depuis des années mais il aurait largement préféré y revenir dans d'autres circonstances. Aujourd'hui, ces histoires de virus l'importent peu : il fait son boulot avant tout. Peu lui importe de savoir si oui ou non ce virus peut être guéri, il se contente de sauver le plus de population possible, alors qu'officiellement, les personnes touchées par le virus ne peuvent être sauvées... Autant chercher à aider ceux qui peuvent l'être encore. Un coin de son esprit pourrait se demander pourquoi les forces armées ne cherchent pas à sortir les non infectés de la zone envahie par les infectés... mais plus les années dans l'armée se sont enchaînées, plus cette parcelle de son esprit s'est tue, pour devenir aujourd'hui un murmure auquel il ne prête plus grande attention... Peu à peu, il est sans doute devenu l'homme que son père avait toujours voulu voir, il en a fait déjà des combats et avoir été blessé autrefois lui a appris à frapper son ennemi avant de l'être. Il ne pense plus aux humains normaux, aux pères, aux enfants que ces créatures avaient pu être il fut un temps, ces personnes étaient après tout mortes avant qu'il ne leur tire dessus, tuées par le virus. Il ne lui est encore jamais arrivé de se retrouver face à une situation de dilemme où des non infectés et des infectés se retrouvent tous les deux menacés... il aime encore à croire qu'il a assez "d'âme" en lui pour se soucier des non infectés avant de vouloir tuer ceux qui sont pollués par le virus... mais une croyance qu'il s'efforce d'avoir peut ne pas vraiment être la réalité en cas de crise.

Pour le moment, mais aussi peu grande soit-elle, la ville de Dundee réserve pourtant toujours un bon paquet de surprises, pas forcément bonnes, pas forcément mauvaises : reste à savoir distinguer le bien du mal au milieu du chaos maintenant.

✥ HEY! LITTLE YOU! DON'T HIDDIN' URSELF.

• ton petit nom, c'est quoi ?: Sammy *O* Ou Marie
• et ton surnom ou ton pseudo ?: Sammy (L) ou MARY-W.
• c'quoi ton âge ?: 18 ans
• t'aimes les bonbons, les frites et le chocolat ?: Les trois ouéééé *O*
• quel est l'avatar que tu as utilisé ?: A ton avis ? x)
• ton personnage est un inventé ou un scénario ? : Non, c'est un inventé, trop parfait est Jared pour avoir été prédéfini xD
• comment trouves-tu notre forum ?: Tsuh ! Ouvert sans que je sois au courant è_é
• tu veux un cookie ?: OWIIIII \0/
• jt'embête avec mes questions, hein ?: Non, non (a)
• tu l'as connu comment notre forum ?: Parce que je sais tout 8)
• le mot de la fin ?: Les patates sont cuites ! Sinon note à Momo : pour la réponse faut être en mode bisounours (a)