Des coups de feu, des cris effroyables, des giclées de sang et parfois même des morceaux de chairs. Aujourd'hui, j'ai tué. Comme hier, avant hier et les autres jours du passé, et comme demain, après demain et les autres jours du futur. J'ai tué. J'ai tué des hommes, des femmes et même des mômes. Sans la moindre once de pitié ou de culpabilité, à l'inverse de certains de mes collègues, qui n'étaient visiblement jamais parti pour Afghanistan. Je sentais leur regard sur moi à chaque fois que je dégommais des humains qui n'en étaient plus ; il fallait se rendre à l'évidence, il était clair que ces gens là n'avaient plus aucune part d'humanité. Je crois que j'ai perdu la mienne depuis longtemps aussi. Mais je ne suis pas devenu fou, assoiffé de sang et de chair : là est mon point fort. J'ai encore laissé ma fiancée, qui sera privée des détails comme les nombres de victimes et leurs natures. Je suis un tueur, un assassin, un gamin avec une fourmilière. Je suis comme dieu, tenant la vie d'autrui au bout d'une arme qui m'avaient tant servit et que je n'ai jamais hésité à utiliser. Je suis grand, dur et froid. Je tuerai pour une bouchée de pain s'il fallait, parce que mon esprit est vide de conscience. Je ne suis pas humain, mais je ne suis pas non plus comme eux. Je suis l'homme d'Afghanistan qui attise les regards, le jeune écossais qui autrefois a perdu la raison pour sauver sa vie.

Je me rappelle encore, et pourtant que je ne veux pas le faire. La chaleur, la sueur, le sable, la terre, le sang. L'odeur de la mort rodait partout où l'on posait le pied. L'Afghanistan. J'avais été envoyé là-bas, parce que j'étais un bon soldat. Tu parles. On était de la chair à canon, on était censé n'avoir peur de rien. Les exercices étaient une partie de plaisir, par rapport à ce qu'on pouvait trouver là-bas. Le climat était hostile, on crevait de chaud à chaque mètre que l'on pouvait faire. Je me souviens du sable qui brulait notre peau, et le soleil qui nous étourdissait. C'était dur de se battre. Mais je me battais. Je n'avais plus d'amour, plus d'amitié. Je tuais tout ce qui bougeait : j'ai tué. J'ai tué sans remords, sans gène. J'étais une machine, je me prenais pour Dieu. Je distribuais le châtiment à chaque personne qui, pour moi, le mériter. J'étais devenu fou, j'avais perdu la raison. J'ai tué.

J'étais pris au piège dans un cercle vicieux. Les armes, la poudre, le feu, l'adrénaline. Et puis plus rien. Tuer était devenu normal : tuer était devenu une partie de moi. J'étais aveugle, je ne voyais plus le jour. Mes collègues disaient que le soleil m'avaient rendu fou : j'avais même tué l'un d'entre eux. Oui, comme ça. Dans un combat où je ne croyais pas sortir vivant : j'étais toujours sur de mourir. Alors je tuais les autres, pour sauver ma peau. Instinct de survie, dirons-nous. Et dans ces instants là, je perdais toute ma part d'humanité. Je n'avais plus de fiancée, je n'avais plus de fils, plus de famille. Je n'étais plus rien.

UC